La Honte
<< STRASBOURG (AFP) - Un courriel, qualifié de "grosse bourde" par
l'inspection académique (IA) du Haut-Rhin, a été adressé lundi à quelque
850 directeurs d'écoles élémentaires pour leur demander de recenser les
élèves sans-papiers, suscitant un véritable tollé dans le milieu enseignant.
Le mail, adressé lundi matin par l'IA, demandait aux directeurs d'écoles
élémentaires de faire savoir "dans la journée" s'ils avaient des élèves
sans-papiers dans leur établissement.
Devant la levée de boucliers provoquée par la demande, l'inspection
envoyait l'après-midi même un second courrier électronique stipulant que
le premier était une "erreur" et qu'il était "sans objet".
"C'est une grosse bourde, un grave dysfonctionnement d'un service
particulier", a-t-on expliqué auprès de l'inspection académique, en
précisant que la demande n'émanait "ni de l'inspecteur (d'académie), ni
du recteur, ni du préfet, ni du ministère" de l'Education nationale.
A l'issue du Conseil des ministres, le ministre de l'Education nationale
Xavier Darcos a pour sa part regretté mercredi la "maladresse" de l'IA
et assuré qu'il n'y avait "évidemment pas de volonté d'identifier les
élèves qui dépendent de familles d'immigrés".
Le ministre a convoqué jeudi l'inspecteur d'académie afin qu'il
s'explique sur ce courriel.
"Les directeurs ne sont pas des délateurs", s'insurge Amaury Schiffli,
secrétaire du Snuipp 68 et directeur d'école à Fulleren (Haut-Rhin),
dénonçant "une politique générale de chasse aux sans-papiers".
"Dès l'envoi de ce mail, nous sommes intervenus auprès de l'inspecteur
d'académie qui, a priori, n'était pas au courant", précise-t-il.
"Le démenti est intervenu ensuite, il faut dire que les réactions des
collègues, tant auprès des organisations syndicales que de l'inspection,
ont été énormes", poursuit-il.
Affirmant ne croire "que très peu" à la thèse de la "bourde", M.
Schiffli souligne le "contexte politique" dans lequel ce courriel
intervient.
"On ne peut que dénoncer cette chasse aux sans-papiers qui se poursuit
dans l'optique de faire du chiffre et de transformer les +instits+ en
serviteurs zélés de l'Etat et en délateurs", renchérit de son côté
Gilles Hargous, de Sud Education.
Selon lui, cette pratique s'inscrit "dans la droite ligne de la +base
élève+", une base de données destinée à recueillir diverses informations
sur les élèves --nationalité, date d'arrivée sur le territoire
national-- et accessible aux maires.
"Cela peut se transformer en fichier pour aller récupérer les enfants et
les familles à leur domicile pour les expulser", avance-t-il.
"On ne peut accepter qu'un directeur d'école fasse ce travail de
délation", s'indigne Martine Monteillet, adjointe au secrétaire
départemental du Snuipp 68, pour qui les directeurs d'école, dont "la
mission est d'éduquer", n'ont pas "à se substituer à la police".
Pour Eric Schultz, du Réseau éducation sans frontières (RESF), "la
+bourde+, c'est d'avoir rendu public un questionnement qui existe par
ailleurs". "Je ne vois pas quelqu'un de l'inspection prendre cette
initiative seule, il y a forcément quelque chose derrière", estime-t-il. >>